« Le bonheur est une question d'habitude »

Le blog d'Olivier FAURAX

L'association Sauvons la recherche a été lancée en 2006 pour tenter de faire entendre la voix des chercheurs français.

Ils viennent de tourner un documentaire sur la réforme pour l'autonomie des universités qui est bien fait, intéressant, assez objectif.

Ça vaut le coup de le voir. Si vous n'avez pas le temps, voici un petit résumé. Si j'ai fait un contresens ou un raccourci trop grossier, n'hésitez pas à me corriger dans les commentaires.

Merci à Cyrille Hurstel pour la relecture.

Première partie

Pour les (grandes) entreprises européennes, dans un rapport de 1989 (repris par l'OCDE), l'Université doit apprendre à se rapprocher du monde de l'entreprise et l'enseignement supérieur doit n'être qu'un prestataire de service éducatif parmi d'autres, qui pourraient être privés.

Parce qu'elles ont des directions collégiales qui recherchent le consensus, les universités sont jugées inflexibles. La réforme souhaite des gouvernances uniques, pour aller vers une dérégulation et la mise en concurrence des universités, et rejoindre cette mission de prestataire de service.

Le classement de Shanghai a fourni une base pour la critique des universités françaises. Cependant, il ne prend en compte que les performances de recherche et non d'enseignement. Il ne mesure donc pas la qualité des universités, mais plutôt leur efficacité de recherche.

Les mauvaises performances des universités françaises dans ce classement sont attribués au modèle d'organisation sur fonds publics et de démocratie interne. La solution proposée est de rapprocher les universités d'entreprises en concurrence.

Comme il est difficile de convaincre les universités de rentrer en concurrence, la réforme a été appelée « Autonomie des universités », alors que leur autonomie est justement garantit par le fonctionnement actuel.

Ensuite, on a un morceau de l'allocution de Sarkozy du 20 juin 2007 :

« Dans tous les pays qui réussissent, on a l'autonomie. »
« On peut adapter les programmes de recherche à la réalité du tissu économique. »
« On peut obtenir des recettes autres que les dotations de l'état. »

En fait l'« autonomie » va en fait concentrer les pouvoirs vers le conseil d'administration (CA) au détriment des composantes des universités. La politique d'enseignement sera donc gérée entièrement par le CA qui risque d'avoir une vision de gestionnaire (image de marque, ressources, etc.).

Le président du CA pourra intervenir sur le recrutement (droit de veto) et la rémunération (attribution de primes) des enseignants, ce qui remets en cause la recrutement collégial qui garantit l'évaluation du critères scientifiques par des pairs.

Cette remise en cause est aggravée par la précarité des postes proposés après le doctorat, ce qui entraîne un tri à l'usure plutôt que sur la valeur scientifique. C'est ainsi que le CNRS affiche un taux de 25% d'étrangers parmi ses nouveaux recrutements.

Deuxième partie

Il existe une difficulté de recrutement en thèse, à cause de la pression du chômage qui pousse à aller dans des filières « utilitaires ».

Aujourd'hui, des contrats courts renforcent la précarité des chercheurs à la fin de leur thèse à cause du manque de débouchés. Ce type de filière est donc réservé à ceux qui pourront faire le pari de pouvoir attendre en fin de thèse.

La recherche doit être indépendante financièrement pour être de qualité. L'autonomie met en concurrence des universités de tailles et d'objectifs différents, comme des universités de 5000 et 30000 étudiants.

Le projet ne parle pas d'augmenter les frais d'inscription, ce qui forcera certaines universités à privilégier les projets et disciplines qui rapportent de l'argent.

Au niveau national, le CNRS est affaibli au profit d'agence de moyen qui mettent les laboratoires en concurrence. Le fonctionnement du CNRS est de financer du personnel dans des laboratoires associés à des universités, évalués tous les 4 ans par des conseils des scientifiques.

À l'inverse, l'ANR est une agence qui finance des projets par appels d'offres et concentre la majorité des crédits supplémentaires donnés à la recherche. Le contrôle de l'État sur la recherche est donc de plus en plus grand et on notera que l'ANR n'est pas dotée de conseil scientifique. Les chercheurs doivent donc se tourner vers les thématiques qui rentrent dans les appels d'offres pour pouvoir financer leur laboratoire à court terme.

Au niveau du budget, seul le CNRS rivalise avec les autres grands centres de recherche du monde (Harvard, MIT, Stanford). Cela amènera les universités de taille moyenne à justifier leur existence en participant au développement de l'économie locale et en étant un prestataire de service pour les PME. La collaboration universités/entreprises n'est pas nouvelle, mais le gouvernement actuel souhaite passer de la collaboration à une prestation de service.

La part du financement provenant des entreprises dans la recherche a baissé à partir de 2002. En effet, les entreprises utilisent l'ANR pour faire des collaborations avec des laboratoires, tout en se la faisant payer par l'ANR (l'État). Au niveau de l'emploi, cela encourage le recours à des CDD avec qui l'entreprise n'a aucun engagement (contrairement à une bourse CIFRE).

Cette évolution est la conséquence de la pression du capitalisme sur les entreprises. À Crolles, le rachat d'entreprises par des fonds de pensions a fait explosé une coopération industrielle prometteuse.

Troisième partie

L'école devait garantir l'accès au savoir et à la culture. Après 30 ans de chômage, l'objectif est maintenant de produire des travailleurs efficaces, prêts pour l'entreprise, formés par de multiples stages.

Chevènement a voulu que 80% d'une classe d'âge arrive à un niveau bac, ce qui a eu des conséquences sur la qualité de l'enseignement. Cette massification a eu pour effet de démocratiser l'enseignement secondaire, puis supérieur.

L'Université n'a pas reçu les financements proportionnels à cette arrivée massive de nouveaux étudiants. L'idée de la démocratisation scolaire a donc été dépréciée, alors même qu'elle a permis de réduire les disparités de salaires et de carrières entre ces nouveaux étudiants et les plus privilégiés.

L'orientation consiste à choisir entre une spécialisation précoce qui assure l'avenir et une alternative plus générale avec le risque d'une carrière plus aléatoire mais plus rentable. Ce choix va dépendre de leur possibilité intellectuelle, mais aussi de leurs ressources pour continuer leurs études.

Les étudiants sans beaucoup de ressources, dans la mesure où la situation de l'emploi n'est pas très bonne et qu'ils ont besoin d'être rassurés, préfèrent partir vers des filières professionnalisantes ce qui entraîne la baisse des inscription dans les matières théoriques, dont les sciences.

Les meilleurs de ces étudiants bouchent alors les formations professionnelles et les moins bons se retrouvent par défaut dans les filières générales, ce qui explique en partie l'échec universitaire et donne un argument à l'arrêt de la politique de démocratisation de l'enseignement supérieur. En fait, les bacheliers généraux se tournent vers les IUT, là où on attendait les bacheliers technologiques. Ces derniers entrent alors à l'université avec une faible probabilité de succès.

La montée du chômage a donc forcé l'université à être évaluée en fonction des débouchés professionnels qu'elle propose et l'insertion professionnelle devient l'une de ses missions dans la réforme de 2007.

Quatrième partie

L'université a donc pour mission de fournir des formations professionnalisantes très spécialisées pour répondre aux exigences patronales plutôt qu'une formation générale.

« Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n'a pas forcément à payer vos études. » Nicolas Sarkozy

Toute la question est de savoir si l'Université doit donner un « kit de base » aux étudiants pour qu'ils puissent s'adapter à l'entreprise ou si elle doit être un pourvoyeur de travailleurs déjà professionnalisés et spécialisés.

En Allemagne, pays qui a privilégié l'apprentissage, la reconversion des salariés est très difficile parce qu'ils n'ont pas un socle suffisant pour pouvoir se reconvertir. Dans le domaine de l'informatique, la délocalisation des développements a rendu le marché très concurrentiel, notamment avec l'Inde, ce qui force les ingénieurs français à une reconversion.

La nouvelle loi façonne l'Université vers l'insertion professionnelle : les filières sont professionnalisées, les diplômes deviennent des compétences, le « Projet personnel et professionnel » apprend les techniques de recherche d'emploi, pour finir par généraliser les stages.

Le stage est la meilleure représentation de la dévalorisation de l'enseignement universitaire : il sous-entend que le seul vrai savoir ne peut être appris qu'en entreprise. Même s'il peut exister des degrés de qualification et des savoir-faire pratique qui nécessitent une immersion en entreprise, ce n'est bien souvent pas ce que vivent les stagiaires dans la réalité.

On se souvient du collectif Génération précaire regroupant des stagiaires exploités. Le problème vient de l'inflation du nombre de stages dans les cursus, ce qui permet toutes les dérives, dans la mesure où il devient difficile de trouver un stage pédagogiquement intéressant.

Les stages sont généralisés, même dans les disciplines théoriques, avec la justification que le vrai savoir vient de l'entreprise par l'expérience et que l'Université est théorique et fermée sur elle-même. Les stages seraient un tremplin vers l'emploi, mais dans la pratique c'est vrai seulement pour ceux qui ont les meilleurs stages et qui bénéficient donc d'un réseau social élaboré. De plus, les entreprises utilisent de plus en plus de stagiaires à la place de CDD.

On rejette l'Université alors qu'elle a su faire face à la hausse du nombre d'étudiants sans moyens. Idem pour le CNRS. Il est risqué de détruire ce qui marche plutôt bien, à savoir une université qui sait gérer un grand nombre d'étudiants sans beaucoup de moyens. Les gouvernements successifs ont préparés la fin du système universitaire français. Après avoir augmenté le nombre d'étudiants sans donner les moyens correspondants et avoir imputé à l'Université l'augmentation du chômage. L'évolution logique va être de proposer le privatisation de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Contre cette proposition de remise en cause du savoir pour tous et de gestion de la recherche à courte vue, Sauvons La Recherche a fait des propositions pour sauver l'université et la recherche.

Nous vous invitons à faire connaître et circuler le film "Universités, le grand soir". Il peut être publié sur des sites internet. Nous vous demandons cependant une seule mention obligatoire :

Pour soutenir cette initiative et les futurs opus de la série "Réfutations" vous pouvez acheter le DVD 12 € (frais de port inclus) paiement en ligne www.lautrecampagne.org ou par chèque à l’ordre de L’Autre association, 3, rue des Petites Ecuries, F-75010 Paris.

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À propos de l'auteur

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D'un naturel joyeux, positif et curieux, je m'intéresse à beaucoup de choses parmi lesquels la salsa, l'espéranto, la plongée mais surtout l'informatique, le web et Linux.

Même si j'aime programmer, je m'intéresse également aux aspects d'ergonomie, de design et de marketing.

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